Dimanche 10 décembre
Je me mets à la place de quelqu’un qui « ne croit pas », pour qui les mots ayant trait à la foi sont du javanais…Et oui, il faut savoir que la langue de la foi ressemble à du javanais pour quiconque n’a pas le « code ». Je le sais bien…je me suis moi-même heurtée longtemps à ce javanais-là.
Cher lecteur, si vous voyez de quoi je parle, alors il faut que je vous prévienne que l’évangile que je m’apprête à commenter comporte plus de javanais que la semaine dernière. Mais peut-être faites-vous partie de ces curieux dont l’intelligence est disponible pour explorer et découvrir? Si c’est le cas, surtout continuez votre lecture.
Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 1,1-8. Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu. Il est écrit dans Isaïe, le prophète : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés. Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
En français donc…A l’époque où vivait Isaïe (8e siècle avant JC), deux grandes puissances dominaient, l’Assyrie et l’Egypte, et les petits royaumes des alentours en faisaient les frais. Isaïe vivait dans l’un deux, le Royaume de Juda, lequel était sous la domination de l’Assyrie. Comme dans le cas de tout pays asservi, la vie était dure pour ses habitants. Le prophète est celui qui parle « au nom de »… la voix du Juste, celle qui dénonce l’injustice de son temps, qui critique âprement la violence et l'oppression dont sont victimes les petits et les pauvres… Bref, la voix de l’opposition, en quelque sorte. Donc Isaïe était prophète. Un homme aussi, en chair et en os : on connait le nom de son père, de sa femme, de deux de ses enfants…
Le message de cet homme qui parle « au nom de la voix du Juste » est donc qu’il faut préparer le chemin du Seigneur. Si le mot Seigneur heurte vos oreilles, remplacez-le par « celui qui règne ». On verra un peu plus loin comment il règne.
Ces paroles se précisent huit siècles plus tard (les prophètes sont toujours en avance sur leur temps) en la personne de Jean-Baptiste, autre prophète, qui après avoir vécu comme un ermite dans le désert (un vrai ermite, se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage) revient dans le monde pour appeler les hommes à la conversion. Dommage que notre pays compte si peu de déserts…
Se convertir, étymologiquement, cela veut dire changer de direction. La conversion, c’est pour tout le monde : si je mens régulièrement et décide un jour de ne plus le faire, et que je m’y tiens, alors j’ai effectué une conversion. J’ai fait demi-tour…Ce qui est fort, c’est qu’à l’appel de Jean-Baptiste, les foules accourent et chacun manifeste publiquement sa conversion, à travers un symbole fort : un baptême. « Baptême », je viens de vérifier, cela veut dire « immersion dans un liquide », ici dans le Jourdain. Symbole fort, donc, pour mimer une petite mort, celle de ce à quoi on renonce pour de bon. Puisque le mot « péché » est utilisé, retenir que ce qui est péché est tout ce que, au fond de moi, je me sens appelé(e) à convertir.
Moi, ce qui me touche, c’est qu’un homme vers qui les foules accourent de toute part (le fait que le roi ait été heureux de lui faire ensuite couper la tête, rend crédible cette popularité hors du commun), et qui est donc dans la toute puissance, dise cette phrase incroyable : « je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie des sandales…de celui qui me suit ».
Cela me touche car on sait combien le pouvoir peut corrompre un homme! J’ai assisté dernièrement a une conférence sur le leadership, comment le développer, l’utiliser… La mise en garde du conférencier dans la conclusion m’a particulièrement frappée : « il faut que vous sachiez que le pouvoir corrompt, car il change votre regard sur l’autre, votre relation à l’autre n’est plus la même. » Toute personne qui a eu du pouvoir, et est honnête avec elle-même, sait de quoi il s’agit. L'antidote? Un pouvoir au-dessus du pouvoir…?
Donc Jean-Baptise, tout puissant devant ces foules, s’abaisse. « Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
Alors si on ne parle pas vraiment le javanais, que peut-on toutefois retenir de cet évangile?
Deux choses. La première c’est que si l’on veut accéder à cette langue, il faut le décider car il y a une préparation personnelle nécessaire. De la même manière, si je veux grimper le Mont Blanc, je le décide et je prépare mon sac, accessoirement je m’entraine aussi, et tant qu’à faire, je prends un guide. Si je ne le fais pas, il y a peu de chance qu’il se passe quoique ce soit. Cette préparation inclut, on l’a compris, quelques demi-tours, et donc un travail sur soi, ce qui est salutaire à tout homme, quoiqu’il arrive.
La deuxième chose à retenir, c’est le point culminant, le point d’orgue du texte : l’Esprit Saint. Mais c’est aussi un terme javanais par excellence!
Alors il faut savoir qu’il y a deux manières de définir l’Homme, soit deux anthropologies. La première conduit à une définition de l’homme en deux parties : une partie matérielle (le corps physique) et une partie immatérielle (le corps psychique, la psyche ou encore l’âme) qui regroupe le mode d’expression de nos pensées, de nos émotions, de notre énergie instinctive). Personne ne contestera ces deux dimensions, elles s’observent à l’oeil nu. C’est d’ailleurs, on ne s’en étonnera pas, cette anthropologie qui fait loi dans notre monde matérialiste.
Et puis il y a une autre anthropologie, dite en trois parties : le corps physique, la psyche, et …l’Esprit. Cette autre anthropologie affirme donc que nous sommes davantage qu’un corps et une psyche, davantage que de la matière animée. En se fondant sur cette dernière, les anciens, les pères apostoliques, disaient que notre vie sur terre était l’occasion de deux naissances. La première, qui se fait sans nous, que nous n’avons pas choisie : il s’agit de notre naissance biologique. Et puis doit venir ensuite la deuxième naissance, celle pour laquelle notre participation est absolument requise car elle ne se fera pas sans nous : il s’agit cette fois de naitre à l’Esprit. Deux plus un égale trois. Nous avons accès à la totalité de notre être, voie directe et sans tricher vers ce qu’on appelle « la vie en plénitude ».
Alors c’est quoi ce supplément d’être issu de cette deuxième naissance?
J’aime le définir comme « ce qui est en nous, mais pas de nous ». Cette définition, toute simple, je la puise dans mon expérience. Par exemple, pendant longtemps, je peux ne pas pouvoir aimer, ne pas pouvoir pardonner, je suis bloquée. Cette part de moi semble cassée : psychiquement, physiquement je suis pétrifiée, rien ne bouge. Et surtout, faire bouger cela est au-dessus de mes forces. Et puis, un jour, une ressource autre s’impose à moi et remet en mouvement ce qui était pétrifié. Pour sûr, cela ne vient pas de moi… Car je n’ai rien fait pour, et je ne me suis rendue compte de rien. Sans doute, l’image souvent utilisée du souffle léger qui effleure parle juste.
Un livre ne suffirait pas à parler de cette réalité, donc je vais m’arrêter là et laisser la place à l’Esprit en vous, car au fond, c’est lui qui, patiemment, fait le travail. C’est lui qui pulse, au rythme de ce que vous lui laissez pulser. Une chose est sûre : comme le dit Isaïe, plus « les sentiers sont droits », plus il pulse fort.
A ceux qui refusent l’éventualité de cette troisième partie d’eux-mêmes, je réponds qu’il ne s’agit ni d’accepter, ou de refuser, ni de croire, ou de ne pas croire. Il s’agit juste d’expérimenter. Plus facile, quand même, si on est ouvert et observateur. Par ailleurs, à ceux qui « croient » par définition ou par principe, je souligne qu’une croyance à laquelle ne correspond aucune expérience, finalement, ne vaut pas grand chose.
Voilà, vous savez maintenant qu’il vous faut faire un choix : votre vision de l’homme est bipartite ou tripartite. L’avantage du « tripartite » est qu’on s’ouvre à quelque chose d’infini qui transcende nos petites limites. On s’ouvre à la possibilité d’une source, d’une énergie, hors de nous, qui jaillit en nous. Et surtout, on s’ouvre à la possibilité d’en faire l’expérience.
Cette semaine, nous avons révisé quelques mots de javanais : Seigneur - Conversion - Esprit Saint. Finalement, je m'en rends compte à l'instant, ces trois mots, à eux seuls, peuvent suffire…
Episodes précédents :
- Dimanche 3 décembre : Rester éveillé
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