Le corps humain fait continuellement face aux attaques de «petites bêtes» qui le parasitent, le rongent, et une multitude de personnes luttent en blouses blanches contre ces dernières. Des chercheurs y consacrent leur vie, la société, des sommes faramineuses, et de fait, heureusement, la lutte progresse et la science gagne du terrain.
Curieusement il en est une autre, bien plus dévastatrice puisqu’elle est la source des plus grandes tragédies de l’histoire, qui continue de faire ses dégâts à la barbe de tous, sans que cela n’interpelle grand monde. On y est tellement habitués…Bas les masques ! Cette petite bête, c’est l’ego.
Vous ne la connaissez pas bien cette petite bête ?
Je me réjouis de vous la présenter. Il se trouve que mon occupation étant d’enseigner l’Ennéagramme, je la dissèque devant des étudiants depuis dix ans. Dix années aussi que je l’observe de près car, comme vous, je suis porteuse de cette petite bête. Nul n’y échappe et une seule certitude de « la recherche » à ce jour : on ne peut pas s’en débarrasser. D’où l’intérêt de se familiariser avec elle et d’apprendre à vivre avec.
Un avantage majeur cependant : pas besoin de microscope pour l’observer, elle se voit à l’oeil nu, de jour comme de nuit, et quelque soit les saisons de notre vie !
Cette petite bête, c’est tout simplement cette partie de nous qui dit constamment « et moi ! Et moi ! Et MOI !!!. Elle le chuchote, le pleure, le crie parfois, mais c’est son refrain. « Et moi » est une version abrégée de « Regarde-moi » ou encore, aime-moi, sers-moi, obéis-moi, aide-moi, écoute-moi…Une autre version peut aussi être : « j’ai droit à » ma liberté, mon temps, mon espace, ma vie…Moi, moi, moi !
Bref, si l’on doit résumer, elle ne vit que pour une chose : sauver sa peau. C’est la partie de nous qui constamment veut sauver sa peau, soit notre peau en l’occurence.
Ceci étant dit, l’ego est une partie indispensable de notre structure psychique : il contribue à former l’image que nous avons de nous-même et constitue la base de notre personnalité. C’est à travers cette personnalité que nous manifestons notre présence au monde, que nous interagissons avec les autres, bref, que nous vivons ce que nous avons à vivre.
Alors où est le « bug » ?
Le bug, c’est qu’il y a des egos sains, fonctionnels, qui remplissent leur fonction de structure de la personnalité et des egos dysfonctionnels, pathologiques qui rendent la vie très compliquée pour soi et pour les autres, avec beaucoup de souffrances à la clé et des vies vécues à moitié.
Un ego dysfonctionnel fait que la personne est esclave de sa programmation, de ses automatismes : le désir de l’ego entraine une peur, laquelle déclenche le mécanisme de défense correspondant. La petite bête est alors devenue une très grosse bête qui prend toute la place et on vit comme un automate où les mêmes causes produisent les mêmes effets, sans grande marge de manoeuvre et possibilité d’en sortir.
C’est d’ailleurs cette absence de « liberté d’être » caractéristique qui fait qu’il est si facile de décrire avec précision un type de personnalité et son fonctionnement. Ainsi l’Ennéagramme recense et décrit magnifiquement neuf structures d’ego différentes, qui répondent chacune à une peur spécifique par un mécanisme de défense adapté.
Voici maintenant une vérité de taille à retenir car elle n’est pas sans conséquences : de la même manière qu’un pyromane n’éteindra jamais son feu lui-même, l’ego ne peut qu’engendrer des problèmes d’ego, lesquels ne seront jamais résolus au niveau de l’ego, ou par l’ego ».
D’où l’état du monde actuel…
Une bonne nouvelle cependant : on rencontre ici et là des hommes et des femmes capables de transcender ce « et moi, et moi, et moi ». Ils semblent avoir accès à une autre dimension d’eux-mêmes et puiser à une autre source.
Leur signe distinctif : c’est un bonheur de les fréquenter, leur présence est un cadeau. Ils nous inspirent, ils nous font du bien, ils nous montrent la voie. Une voie toujours d’humilité, où «mourir à soi-même» prend tout son sens : cette petite mort n’a rien de fou puisqu’elle ne consiste qu’à rejeter le projet de l’ego qui est toujours perdu d’avance, pour se tourner vers une autre source qui est notre essence d’être.
Car l’autre bonne nouvelle est que l’homme ne se réduit pas à l’ego et à sa personnalité. Une fois que cette dernière est apprivoisée, l’être et ses qualités essentielles peuvent se manifester, tout simplement. Et nous avons pour cela une arme absolue et totale : la conscience. JE SUIS sera toujours plus fort que « ego sum ».
Je ne peux pas finir ce petit tour du propriétaire sans rappeler cette histoire de génie qui a voyagé à travers les siècles pour nous enseigner tout cela.
Les Rois mages ! Donc ces trois grands sages ont parcouru un immense chemin dans le désert en suivant leur bonne étoile pour aller se prosterner (soit littéralement « embrasser la poussière d’une bergerie » ) devant un petit enfant nouveau-né.
Cette image est d’une puissance qui nous plonge dans la contemplation : s’il y a un seul moment de notre existence où nous sommes libres de l’ego et donc pleinement et totalement dans l’essence d’être, c’est bien dans les premières semaines de notre vie : nous ne sommes alors que force vitale, une éponge disponible à tout, avec des yeux curieux de tout qui enregistrent tout, tout en étant dans une confiance absolue, « un avec le tout ». Si l’enfant pouvait alors parler, il ne pourrait prononcer que ces deux mots : JE SUIS. Pas « je suis ceci, cela, pas ceci, pas cela »…Car il n’y a alors pas d’ego, pas d’image de soi…
L’Être, rien que le vertige de l’Être uni au Tout, dans son essence la plus pure !
Cette rencontre est d’autant plus marquante qu’elle suit immédiatement une autre rencontre avec un monument d’ego : le roi Hérode. Quoi ? Un autre roi que Moi ? Et moi ? Que vais-je devenir ? Seule stratégie : rester moi le seul roi ! Avec ce moi-là, Il a quand même le toupet de demander aux mages de revenir lui donner l’adresse.
On connait la suite…les mages, déjà très sages et sans doute touchés par la grâce vont rentrer par un autre chemin, et ce sont des centaines d’enfants innocents qui seront massacrés pour permettre à cet ego monumental de continuer à se croire le plus fort. Un exemple de tragédie causée par un seul ego.
Les trois sages nous invitent à faire le même chemin pour découvrir ce qu’est notre essence d’être. Si l'on connait bien l’ego, et toutes les souffrances qui vont avec, quand on la découvre cette essence d'être, ô mon Dieu, que l’on est heureux de se prosterner à ses pieds.
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Claire Destrée (jeudi, 04 août 2022 11:50)
Merci Dorothée pour les images tellement parlantes avec lesquelles tu parles de l’ego. Et ce ton plein de douceur et de bienveillance. Tant de voix traquent l’ego, là c’est super : on comprend la fonction essentielle de l’ego et sa misère essentielle : se croire responsable de la sécurité profonde de la personne, et être bouclé a double tour dans les geôles de sa peur …. Jusqu’à ce que L’Etre intérieur reconnu puisse accueillir cette peur panique de l’ego qui se sent seul à bord responsable de “sauver la face” de la personne …
Sans compassion, l’ego ne peut absolument pas lâcher … Compassion d’un tiers, du formateur Enneagramme ou des membres du groupe, ou dans tout autre contexte d’un autre passeur de paix et de compassion …
Quand cette autre Face se révèle, l’ego découvre ce qui EST … Et que ce qu’il a à “perdre”, cad ce rôle rigide de pseudo gardien du temple … n’est rien face à la beauté de cette Face-là, celle du Soi … qui vit en chacun, là où aucune bête ne peut rien contre lui …