Un type 3 pas comme les autres : prêtre, pape... et saint. Trajectoire d'une étoile humaine jusqu'au firmament.

Je suis toujours à la recherche de personnes hors du commun dont la vie peut illustrer la trajectoire humaine pour chacun des 9 territoires de l'être.

 

Les grandes figures spirituelles font partie de mon champ d'exploration et j'ai toujours eu l'intuition que Karol Wojtyla était un type 3 (et non pas un 1, comme on a coutume de le dire). Le récit de sa jeunesse, tout d'abord, et bien-sûr sa trajectoire fulgurante, qui s'est achevée dans les hauteurs les plus élevées de l'être - la sainteté -, étaient pour moi de forts indices.

 

J'ai fini par enfin tomber sur LE livre offrant toute la matière pour justifier cette intuition : ce récit de ses vingt premières années à travers le regard et les souvenirs de ses amis de jeunesse est, dans le texte, un véritable cours Ennéagramme sur les qualités élevées du type 3. CQFD ! La démonstration est d'autant plus belle qu'on peut être quasiment certain que ni l'auteur, ni les protagonistes connaissaient l'Ennéagramme.

 


Tous les textes cités ci-dessous sont intégralement issus du livre de Patrick Meney. 

J'ai sélectionné des extraits significatifs pour notre propos, 

en me concentrant sur ce qui avait trait à la personnalité de l'homme.

Il ne s'agit absolument pas d'un résumé biographique exhaustif de sa jeunesse.


Le pape aussi a eu 20 ans - Patrick Meney

Un amour maternel absolu comme premier miroir

Une proche : « Karol était très amoureux de sa mère qui était très douce et très chaleureuse ».

 

La voisine : « La mère du pape était particulièrement attachée à son fils Karol. Elle était très fière de lui. Toutes les mères sont ainsi mais avec Emilia c'était différent. C'était un amour absolu. »

 

Parlant de Karol, Emilia (sa mère) disait publiquement : « plus tard, ce garçon sera quelqu'un de très grand. » Intuition féminine ? Nous croyons plutôt à une très forte ambition maternelle, à une véritable mission confiée à Karol.

 

Josef, son ami : « Quand elle est morte ce fut une véritable cassure dans sa vie. Sa mère, après sa mort, faisait partie précisément de son jardin secret. Il ne fallait pas en parler. Je crois qu'il en aurait pleuré, même adolescent ».

 

Piété précoce, attachement et fidélité à sa mère

Son amie la plus proche, Halina : « Lorsque nous étions adolescents, nous étions tous les deux des passionnés de théâtre. Jouer la comédie nous enchantait… À la mort de sa mère, Karol s'est tourné vers Dieu, dit-elle. Il a ressenti le besoin métaphysique de dialoguer avec le seigneur. Il a véritablement découvert la piété. »

 

« Je le voyais, à 8h du matin, tous les jours, aller à l'église, avant de se rendre à l'école. Cela impressionnait tout le monde et moi en particulier. »

 

Note de l’auteur : Comment lui être fidèle, à cette mère adorée, digne d'elle, sinon en accomplissant son rêve, cette sorte de mission qu'elle lui avait implicitement confiée en disant : "plus tard ce garçon sera quelqu'un de très grand". Karol sait qu'il doit être le meilleur. Joseph, son ami d’enfance, nous le confirme :

 

Etre le meilleur en tout

« Même à 10 ans, Karol avait beaucoup d'ambition. Il ne l'a jamais perdue. » À l'appui de ce jugement, il évoque un lointain souvenir d’école :… « Une anecdote m’a marqué : en cours de catéchisme, nous avons été interrogé sur un sujet que nous n’avions pas étudié. Mes camarades et moi nous avons ouvert le livre en cachette et nous avons tous copié. C'était la seule façon de nous en sortir, à nos yeux honorablement. Mais lui, Karol, n'a pas voulu tricher. Ce n’était pas dans son caractère. Alors il a eu la plus mauvaise note, un zéro. Il a pleuré, pleuré d'une façon incroyable. Il ne se remettait pas de cette mauvaise note. Pour lui, c'était insupportable, inacceptable ...À ma connaissance ce fut la seule mauvaise note de toute sa vie, mais pour lui ce fut un drame. Il devait être le meilleur en tout… Et il l’était effectivement. Heureusement, il avait le succès modeste et, contrairement à ses échecs il n'en faisait pas des histoires. »

 

Note de l’auteur - Pour comprendre le personnage Wojtyla : le regard d'Emilie était braqué sur lui. Il a pleuré de l'avoir déçue. Toute son enfance il aura sur les épaules le poids de cette mère absente.

 

Joseph nous avoue alors qu'il a toujours partagé le pressentiment d'Emilia : « Nous, ses camarades d'enfance, nous savions que Karol irait très loin. Il en avait le talent et la volonté, mais il avait plus encore… » Silence énigmatique. Nous demandons à Joseph de préciser ce « plus encore ». Il nous répond : « Quelque soit la voie choisie, Wojtyla aurait toujours été le premier, c'est certain. Sans doute en est-il ainsi pour tous les grands hommes. Le hasard n'a pas vraiment sa place." 

 

Joseph admet : « ni ses camarades ni moi n'avions prévu que Karol choisirait le sacerdoce. Quand j'ai appris cela j'ai été très étonné. Sur le coup je me suis dit qu'il avait fait une formidable erreur. Wojtyla en curé ? Il aurait pu réussir dans tellement d'autres disciplines, dans tellement de domaines plus brillants, plus prestigieux à nos yeux, et surtout plus lucratifs ! Puis j'ai suivi le déroulement de sa carrière et j'ai tout de suite compris qu'il irait très loin, très haut… Même avec la soutane, Karol serait quelqu'un d'important. Je me suis dit : il sera au moins évêque.… J'avais toujours connu Karol premier de la classe. »

 

L’excellence en tout

Le directeur du lycée : « Wojtyla était un de nos meilleurs élèves. C’était un littéraire, mais il ne négligeait pas les sciences pour autant. Il était très bon partout. »… « Il s’impliquait aussi beaucoup dans la vie de l’établissement et dans les différentes activités extra-scolaires comme le sport et le théâtre. »

Baccalauréat : « mention très bien » dans toutes les matières.

 

Teofil, commentant une photo de classe de 1930 : « Une veste impeccable avec quatre boutons, presque un uniforme d'enfant modèle. Les yeux dans l'objectif. Sérieux (comme un pape), bien droit quand les autres ont le dos vouté, et pourtant une bouille sympathique. Il était déjà différent des autres. Un gamin de 10 ans, mais avec un maintien, une assurance, une certitude, peut-être une conviction, sans aucun doute… À côté de cet enfant-homme, les petits copains ont l’air misérable. »

 

Sérieux, volonté, détermination, travail : les clés de la réussite

« Karol prenait son travail très au sérieux, beaucoup plus que nous autres. Il était excellent dans toutes les matières…Son véritable centre d’intérêt était là, dans les études, pas dans nos jeux. Certes il s’amusait avec nous, mais il était toujours le premier à s’en aller, à rentrer chez lui, parce qu’il voulait travailler. »

 

Joseph ajoute : « Karol avait de l'ambition, ingrédient nécessaire à toute réussite.… « Karol était programmé pour réussir. Il a choisi l'église. En toute logique, il en est devenu le numéro un. Mais s'il était entré à la General Motors, il en serait aujourd'hui le président. »... il s'est intéressé au théâtre. S'il avait persisté, il serait devenu une grande vedette."

 

Un seul objectif, suivre son objectif

Pour résumer la personnalité du jeune Wojtyla, Halina explique : « Karol avait ceci de différent qu'il s'était fixé un objectif. Il ne voulait pas perdre un seul moment de sa vie, il ne voulait pas gâcher son temps. Chez lui, tout était compté, planifié et réfléchi. Pour moi, cette attitude était alors totalement incompréhensible. En réalité il était bien plus mûr que nous. »

 

"Par exemple, dès l'adolescence il s'était mis en tête d'apprendre plusieurs langues étrangères, par « pur plaisir intellectuel ».

 

Au-dessus d’eux, mais restant proche de ses camarades 

« Il était toujours souriant et pourtant déjà sérieux. »

« c’était un très bon camarade qui aidait volontiers lorsqu’on avait besoin d’un coup de main pour un devoir. »

 

« Il ne nous parlait pas de sa pratique religieuse. C'était son choix personnel, sa vie intime. Il ne cherchait pas à nous convertir. Pourtant, de toute ma vie je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi pieux, même dans notre Pologne catholique. D'abord, il allait tous les jours à l'église, de lui-même. Ensuite, il a fondé au lycée le cercle des enfants qui prient Marie. Enfin, il était enfant de cœur. »

 

Note de l’auteur : À 18 ans, il n'envisageait absolument pas le sacerdoce. Il avait la foi mais pas encore la grâce. Le jeune homme avait d'autres ambitions : le théâtre.

 

Une capacité de lecture des autres hors norme

Jerzy, son ami, souligne un autre trait de caractère à l’école : « je ne me souviens pas l'avoir vu se disputer avec qui que ce soit. Il avait un sens inné de la psychologie et surtout de la diplomatie. Tout petit déjà, c'était un grand analyste de la nature humaine. Il était capable de dire à ses interlocuteurs ce qu'ils espéraient entendre. »

 

Karol à 18 ans se destine au théâtre

Halina : « Karol était un jeune homme plein de charmes. Je crois qu'il en a toujours beaucoup… »

 

Selon elle, vers seize ou dix-sept ans toutes les qualités de l'homme qui devint pape étaient déjà présentes : "il avait un charisme extraordinaire, auxquel personne n’échappait et tellement rare chez les jeunes gens…"

 

Teofil : « Il exerçait une véritable fascination sur les filles et sur les garçons de son âge : il captivait immédiatement les gens par son sourire, son regard, mais aussi par sa bonté. Il plaisait aux filles. C’était un beau garçon, distingué, il aurait pu avoir du succès car beaucoup de jolies filles le regardaient. Ce n’était pas un secret…Mais ses centres d’intérêt étaient ailleurs. »

 

1939 : défaite polonaise et occupation du pays par les nazis

Note de l’auteur : tout en redoutant l’avenir, Wojtyla a de sacrées ambitions. Au-delà des événements troublés, il sait parfaitement où il va : il veut étudier la littérature puisqu'il est « amoureux de théâtre ». Le théâtre c'est sa vie, sa raison d’être. Et Jerzy d’admettre : « je l'ai vu jouer. Karol était un acteur splendide ».

« Il proclame à qui veut l’entendre : « je serai acteur ». Et chacun comprend « je serai le plus grand acteur de Pologne ». C’est son objectif. Dès son installation à Cracovie, il a fondé une troupe. »

 

Halina, commentant le fait qu’il remplaçait des acteurs au pied levé, préparant plusieurs rôles en même temps : « Il n'allait vraiment pas aux choses faciles. Il se fixait des paris intenable et toujours il les gagnait. »

 

Connection et intelligence émotionnelles hors normes

Halina : « S'il n'avait pas choisi le sacerdoce, je vous garantis qu'il serait aujourd'hui l'un de nos meilleurs comédiens : il avait les qualités essentielles. Un talent inné, il avait une bonne voix, une très bonne interprétation. Il vivait complètement ses rôles. Je sais qu'il s'investissait plus que nous, il allait jusqu'au bout. »

 

« Il avait une présence magnétique sur scène. Il savait nous communiquer l'émotion profonde qu'il éprouvait lui-même à la lecture de ses textes. »

 

1941 : décès de son père, dernier membre vivant de sa famille

Il a déjà perdu sa mère, puis son frère. Lorsqu’il est frappé par le deuil pour la troisième fois, son ami le plus proche et aussi son maître de théâtre est témoin d’un changement profond. Et il doit entendre Karol lui dire ce qui est pour lui une aberration totale : « Tu dois me trouver un remplaçant. Pour moi, il n’y aura pas d’autres représentations, je ne serai jamais un acteur, je serai prêtre. ».

 

Tout le monde pense alors : « quel gâchis ! Karol vient de rater sa vie ».

Mais lui répète inlassablement : « Je ne reviendrai pas sur ma décision ».

Il entre au séminaire clandestin en 1942 et est ordonné prêtre clandestinement le 1er novembre 1946. 

 

L’ascension : prêtre, puis évêque, puis archevêque…

Karol Wojtyła, jeune prêtre, entouré de ses étudiants à Cracovie (1950).
Karol Wojtyła, jeune prêtre, entouré de ses étudiants à Cracovie (1950).

Note de l’auteur : nommé archevêque de Cracovie le 30 décembre 1963 par Paul VI, il charme son monde. Ce n'est pas un hiérarque ordinaire, il le sait. Magnant plusieurs langues, chaleureux et convivial, jeune et séduisant, il noue des contacts, il lie des amitiés. En clair : il engrange des relations, il se constitue un carnet d'adresses. Travail de fond, de réflexion, mais également de couloirs. Penchant naturel d'un homme de communication, mais également stratégie de cadre dynamique : comme à la General Motors, il faut savoir gérer sa carrière.

 

…puis cardinal (1967) et pape (1978)

Mgr Lustiger à propos de son élection : « c’était une personnalité hors de commun qu’on élisait. Un homme pour lequel les gens ont une admiration sans bornes, en raison de sa culture, de sa pénétration, de sa liberté, de son courage, de sa lucidité. »

 

Le mystère Wojtyla : son charisme

Note de l’auteur : il y a un mystère Wojtyla. Ce pape a été le plus populaire d'entre tous. D'emblée, il a provoqué un choc. Il a séduit par son ouverture, son dynamisme, et sa jeunesse. 

On a parlé de l'effet Wojtyla. Du personnage émergeait un indéniable charisme qui subjugua les jeunes et les anciens, les femmes et les hommes, qu'ils soient d’Europe, d’Amérique, d'Asie ou d'Afrique…

 

Il s'adapte, il sait répondre aux attentes...

Journal italien : « Il est sportif, souriant et il sait même rire. Il est brillant, capable de répondre à n'importe quelle boutade. Aux intellectuels, il parle en homme de culture, mais il sait se faire comprendre des gens ordinaires… Tout cela, après des siècles de pape-icône plus que de pape humain, explique que l'homme Wojtyla, plus encore que le pape, répond aux attentes conscientes ou inconscientes non seulement des chrétiens mais également des cercles les plus exigeants.»

Ce pape est littéralement une « star mondiale ». 

 

...mais reste fidèle à lui-même

Il n'a pas changé depuis qu'il est devenu pape, affirme Jerzy. Il est le même qu'autrefois. La même foi, mais également les mêmes convictions, les mêmes engagements sur les options essentielles de la vie. Jeune il était déjà ainsi.

 

L'académicien Jean Guitton résume :

« il a pris la décision d'être tout simplement lui-même, homme parmi les hommes. »

 

Dorothée Nicolas : Etre tout simplement lui-même ? C'est le secret, la grande vertu (authenticité) pour le territoire 3...C'est aussi le secret de toute réussite : on ne peut jamais aller plus loin qu'en manifestant ce qui est le plus cher et authentique à notre coeur, soit notre valeur essentielle...qualité essentielle du territoire 3.

 

La particularité unique de Karol Wojtyla est qu'il semble n'avoir jamais connu les travers de l'ego du 3. Sans doute parce que l''amour absolu de sa mère lui a révélé très tôt sa valeur essentielle et que l'épreuve l'a également conduit très tôt à se détourner de la pente glissante de son petit Moi pour se tourner résolument vers "le tout Autre" devenue sa seule source de lumière.

 

Karol Wojtyla meurt en 2005.

Il est béatifié le 1er mai 2011,

et canonisé le 27 avril 2014.

 

"Le type qui sait s’adapter et qui vise la réussite. Les TROIS sont sûrs d’eux, attirants et charmeurs. Ambitieux, compétents et énergiques, ils sont sensibles à leur position sociale, et mus par un désir personnel d’avancement. Ils sont souvent sensibles à leur image et au regard des autres sur eux-mêmes. Ils ont typiquement des problèmes avec l’addiction au travail et la compétition.

Les TROIS qui évoluent à un niveau d’être élevé s’acceptent comme ils sont, sont authentiques, fidèles à eux-mêmes. Ce sont des modèles qui inspirent leur entourage." 

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