Kairos, maintenant

« Kairos (en grec ancien : καιρός) est un mot grec ancien qui signifie le moment juste, critique ou opportun. Les Grecs anciens avaient deux mots pour désigner le temps : chronos (χρόνος) et kairos. Le premier fait référence au temps chronologique ou séquentiel, tandis que le second signifie un moment approprié ou opportun pour l’action. » - Wikipedia

 

J’ai conscience que ce dimanche de Pâques est un Kairos absolument unique dans l’histoire de l’humanité toute entière et voici pourquoi :

 

Pour la première fois de son histoire, l’humanité se bat ensemble pour se libérer d’une pente vers un gouffre où elle est aspirée tout entière.

 

Il y a bien eu un autre gouffre similaire qui s’est présenté à nous récemment avec le changement climatique, mais l’urgence n’étant pas la même pour tous, l’humanité est restée divisée et le gouffre n’a fait que continuer à s’élargir sous nos yeux impuissants.

 

Cette fois-ci, le gouffre est vraiment là, sous les pas de chaque humain sur cette planète, et la différence est que cette fois-ci, chaque humain en a conscience. C’est donc un moment unique de notre histoire !

 

Il y a bien eu des pandémies auparavant, mais le monde n’était alors pas un « petit village » comme il l’est aujourd’hui, où les économies s’écroulent et prospèrent ensemble.

 

Il y a bien eu des catastrophes naturelles locales qui ont vu s’unir des populations dans une même détresse (cf les incendies récents en Australie ou même celui de Notre Dame, il y a un an).

 

Il y a bien eu des guerres effroyablement meurtrières qui ont plongé des peuples dans le deuil, mais c’était chaque fois, et par définition, avec certains peuples contre d’autres peuples.

 

Donc pour la première fois de l’histoire de l’humanité, nous sommes tous dans la même barque sur un même océan déchainé de monstres invisibles.

 

Notre réponse globale, la seule possible : le confinement de chacun pour le bien de tous.

Il y a aussi la lutte acharnée et quotidienne de beaucoup pour trouver des solutions, gérer la crise dans l’heure qui vient, heure après heure, mais aussi pour envisager l’avenir, qui aujourd’hui ne ressemble encore à rien, si ce n’est à nos pages les plus sombres du passé, avec le spectre effrayant de la pauvreté, et de sa soeur la mort.

 

Alors pourquoi cette fête de Pâques est-elle KAIROS ?

 

Parce que Pâques est la fête symbolique de l’homme qui se libère de sa servitude, et surtout la fête de la vie-amour qui se montre plus forte que la mort.

 

Ce n’est pas rien ! N'est-ce pas ?

 

Concrètement, chaque fois que l’on va sur son balcon pour applaudir de tout son coeur les soignants et ceux qui se battent, c’est aussi cela que nous célébrons et rappelons, rien de moins.

 

Pour la première fois, l’humanité tout entière va donc traverser cette fête unie dans une même lutte contre la servitude et la mort, et donc à son insu, unie dans une même et unique prière : le retour de la vie pleine et entière pour le plus grand nombre, malgré la souffrance et le deuil de beaucoup.

 

Pâques, Passover, Pessach est un mot qui signifie « passage » : passage de la servitude à la liberté, passage de la vie à la mort.

 

En termes chrétiens, on parle de conversion, voire de résurrection.

En termes profanes, on parle de retour à la vie pleine et entière, d’un retour à l’essentiel.

Revenir à l’essentiel, cette expression est devenue virale.

 

Soyons honnêtes, chrétiens ou non, croyants ou non, sains ou malades, nous avons tous besoin de cette conversion/résurrection, de ce retour à l’essentiel. C’est ce que nous proclamons depuis notre balcon, dans le soir qui tombe, en tapant sur notre casserole.

 

Pour définir cet essentiel, un regard vers un service de réanimation suffit : l’essentiel de l’essentiel, c’est vivre et garder l’autre en vie. Ainsi ce « vivre et garder l’autre en vie » est comme une pulsation qui, depuis l’hôpital, fait désormais battre le coeur de la société tout entière.

 

C’est absolument inouï...

 

Il semble que le miracle de Pâques a déjà lieu, et tous les jours un peu plus.

 

Alors la prof Ennéagramme que je suis se prend à rêver qu’elle va pouvoir changer de job et faire autre chose, parce que ce « vivre et garder l’autre en vie » est enfin le moteur tant attendu, celui dont nous avons tous besoin pour faire «exploser » les cuirasses de l’ego. 

 

L’ego, pour mémoire, c’est cette petite bête en nous qui crie et gémit en permanence : « et moi ? Et moi ! Et moi !!! »

 

Chacun s’avouera que la petite bête est devenue plus discrète ces jours-ci. 

 

La plus grande servitude de l’homme, c’est bien d’être obligé de nourrir cette petite bête qui ne nous laisse aucun répit. Alors profitons de ce temps KAIROS qui nous ouvre à une autre existence, à effectuer ce passage, où la vie-amour est plus forte que la mort, ou le retour à l’essentiel s’impose à nous comme une évidence absolue, enfin !

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Marie-Francoise (vendredi, 10 avril 2020 13:42)

    Merci Dorothée ! C’est magnifique !
    Merci s’ouvrir cette brèche